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Suis-je alcoolique ?

5 avril 2014

 

Déjà trois mois sans alcool!
Déjà trois mois sans alcool!

Déjà trois mois sans alcool et je tiens toujours ma résolution de ne pas boire cette année. Et ça va assez bien en général ! Je ne remets plus ma décision en question. J’ai décidé d’arrêter et je vais continuer à tenir ma résolution. Il y a toujours des défis et pas seulement ceux auxquels je m’attendais. Comme les questions que soulève ma sobriété chez les autres, par exemple.

Et c’est pourquoi, en ce jour anniversaire, je me pose maintenant cette question : « Suis-je alcoolique ? »Je n’ai pas décidé d’arrêter de boire d’alcool pendant un an parce que je pensais que j’étais alcoolique. Même si je me disais parfois que je buvais trop, que j’abusais dans certaines occasions, je n’ai jamais pensé que j’avais un sérieux problème d’alcool et certainement pas que j’étais alcoolique.

D’ailleurs, je ne pense pas que qui que ce soit autour de moi m’aurait apposé cette étiquette. Quand j’ai commencé à partager avec les autres ma décision pour 2014, les réactions étaient assez semblables… On ne me pensait pas alcoolique. Alors pourquoi est-ce que moi, je me pose cette question maintenant ?

C’est que les gens commencent à me questionner, à passer des remarques. Et ça augmente de façon proportionnelle avec la durée de ma sobriété. C’est de persévérer dans ma résolution qui semble susciter les doutes autour de moi. On commence à se dire que si je me passe d’alcool complètement et pour si longtemps, je dois avoir une raison importante. Un vrai problème, quoi !

Alcoolique est un mot tabou.
Alcoolique est un mot tabou.

On ne me demande jamais directement si je suis alcoolique. Dans mon cercle d’amis et de connaissances, le terme « alcoolique » a une connotation tellement péjorative que peu de gens l’utilisent sauf pour décrire un cas extrêmement grave d’abus d’alcool. Le mot « alcoolique » est un mot tabou. C’est un mot qui fait peur. Alors, en général on va plutôt faire appel à des paraphrases, tourner autour du pot et parler de « problèmes d’alcool ».

Mais avons-nous vraiment raison ? Y a-t-il réellement une différence entre l’alcoolisme et les problèmes d’alcool ? Je me suis donc tournée encore une fois vers la toile pour avoir une définition de l’alcoolisme. J’en ai trouvé beaucoup, bien sûr ! Au fil des époques, les termes ont changé, les définitions se sont raffinées. Obtenir une réponse claire à la question « Suis-je alcoolique ? » n’est pas simple. Mais ces lectures sur l’internet sont très instructives et parfois amusantes. Ainsi, j’ai appris que le terme « alcoolisme » a été introduit au XIXe siècle par un M. Huss, médecin suédois, terme qui a remplacé celui d’« ivrognerie », plus courant à l’époque.

Je découvre aussi que l’alcoolisme revêt plusieurs visages. Plus je cherche, plus je me rends compte que le sujet est complexe. Pour en faire le tour, j’aurais besoin de m’y mettre à temps plein pendant une période beaucoup trop longue pour moi. Mais je note que les catégories d’alcoolisme se sont multipliées : on parle plutôt maintenant de « consommation problématique d’alcool ». Un terme englobant qui recouvre plusieurs situations tels la consommation excessive d’alcool, l’abus d’alcool, la beuverie express (binge drinking) et la dépendance à l’alcool. On trouve aussi l’expression « alcoolisme périodique » qui semble être une façon plus scientifique de parler de ceux qui ont tendance à « partir sur une balloune » ! Puis encore, alcoolomanie (désir morbide d’alcool), alcoopathie (la maladie liée à l’alcool), et finalement alcoolisme. Mais là, on revient au début…

En fait si on boit de façon assez régulière, on ne peut pas échapper à une de ces définitions !

Définitions de l'alcoolique. À chacun la sienne !
Définitions de l’alcoolique. À chacun la sienne !

Vous pouvez lire la suite de ce chapitre dans le roman graphique La sobriété volontaire. Une année sans alcool (2015, 2018)

 

Mon chum me flique !

29 mars 2014

Oui ! Mon chum me flique ! Mon chum me surveille. Il s’est autodéclaré mon surveillant, mon contrôleur. Il s’assure que je respecterai ma résolution de ne pas boire d’alcool pendant un an. Je ne lui avais rien demandé…

C’est hier, seulement, que je m’en suis rendu compte… Hier soir, Jean-Marc est venu souper et c’est là que le chat est sorti du sac. Façon de parler…

Ce n’est pas parce que, moi, j’ai décidé de ne pas boire que je crois que les autres doivent faire comme moi et se priver d’alcool. Je ne demande pas non plus aux gens de ne pas boire devant moi. C’est pour cette raison que je laisse Jean-Marc se garder quelques bières et une bouteille de vin dans mon frigo. Il aime bien une petite bière bien froide en revenant du travail, pour relaxer. Et il ne peut pas se passer d’un verre de vin en mangeant son repas du soir. C’est un connaisseur en vin… Et pour dire vrai, ça ne me dérange pas vraiment. On ne se voit pas beaucoup, car nous sommes tous les deux très pris par le travail. Et quand il n’est pas là, je pousse ses bouteilles dans le fond du frigo.

Mais hier, quand il a sorti sa bouteille, j’ai remarqué quelque chose d’assez surprenant :

 

Mon chum me flique!
Mon chum me flique!

C’est ça !? Il me surveille! Et tout à coup, plusieurs petits incidents récents me sont revenus à la mémoire.

(…)

Alors, tu me surveilles ?
Mon chum est froissé.
Mon chum est froissé.

Ah ! Les voeux de silence de Jean-Marc quand il est blessé ! Mais je le connais. Je savais qu’il ne pourrait pas se taire bien longtemps. Surtout qu’il était temps de se mettre au lit…

Le soutien à la façon de mon chum.
Le soutien à la façon de mon chum.

Vous pouvez lire la suite de ce chapitre dans le roman graphique La sobriété volontaire. Une année sans alcool (2015, 2018)

Comics & Medicine, Baltimore, 2014

Je présenterai mon blogue Une année sans alcool au congrès Comics & Medicine, From Private Lives to Public Health en juin 2014. Une présentation orale de 15 min. Plus de détails dans les semaines qui viennent.

L’alcool à l’époque de ma mère.

22 mars 2014

Mon Dieu, que l’hiver est long cette année ! Long et froid ! Il paraît qu’on bat des records ! C’est terrible ! Et c’est probablement pour ça que ce matin, en regardant par la fenêtre, je me suis laissé
attendrir.

 

Un petit minou me parle...
Un petit minou me parle…

Ça, c’est trop fort ! C’est maintenant, alors, que je ne bois plus, que je mets à avoir des hallucinations auditives ! Mais, sérieusement, le pauvre petit minou faisait vraiment trop pitié ! Je n’ai pas pu résister ! Je vais le prendre pour quelques heures. Le temps que j’écrive mon journal et que lui se réchauffe. Le temps qu’il mange un peu aussi. Je vais lui donner une petite boîte de sardines… Après, je vais le remettre dehors. Il doit bien avoir une maison, ce chat-là !

J’ai hâte de fêter mes trois mois de sobriété ! Mais le mois de mars est long, long à n’en plus finir ! Cinq fins de semaine en mars ! Et le temps passe lentement… Mars est un long mois gris. Comme un mois de pénitence avant le mois d’avril qui est vraiment, ici, celui du début du printemps. Le mois où les crocus vont finalement commencer à sortir dans les parterres. Oui, mars c’est un mois de pénitence… C’est vrai que c’est le mois du carême…

Le carême ! Je n’observe pas le carême. Et quand j’étais enfant, non plus. Mais ma mère, elle, quand elle était petite, le carême, c’était sacré ! Pas de bonbons, pas de dessert pendant 40 jours ! Certains hommes, comme mon grand-père, faisaient aussi le sacrifice de l’alcool. Mon grand-père ne buvait presque pas de toute façon. Je pense que peu de gens savent qu’à cette époque la vente d’alcool était interdite le Vendredi saint dans toute la province de Québec ! Dans les épiceries, les comptoirs de bière étaient recouverts d’une grande toile pour en interdire l’accès.

(…)

Ma mère a grandi dans un Québec très catholique. Les années 50, c’était encore la période de la Grande Noirceur ! Le Québec en a fait du chemin depuis ce temps-là !

Elle raconte que quand elle était jeune, l’alcool, c’était surtout une affaire d’hommes. Sa mère ne buvait pas, sauf un petit verre de vin de pissenlit dans les occasions spéciales. Les hommes buvaient surtout de la bière. Et ils pouvaient aller la boire dans un lieu qui leur était réservé, loin du regard de leurs femmes, de leurs blondes et de leurs mères : les tavernes !

(…)

On ne verrait pas ça, aujourd’hui. Mais c’est vrai qu’à cette époque, l’épicier du coin connaissait toutes les familles et leurs enfants. Il savait à qui il pouvait faire confiance.

Le Québec a commencé à changer, à bien des égards, dans les années 60, mais c’est en 1970, seulement, que les brasseries ont obtenu le droit d’ouvrir leur porte aux femmes. Un des premiers endroits à avoir fait ce changement a été Le Gobelet, dans le nord de la ville, sur la rue Saint-Laurent. Un établissement célèbre à Montréal à l’époque, réputé pour son choix de bière, son décor et sa bouffe de style québécois. Ma mère a fêté plusieurs fins de sessions avec d’autres étudiants dans le sous-sol de cette brasserie accueillante pour les jeunes.

En 1971, l’âge légal pour consommer de l’alcool est passé de 21 ans à 18 ans. Les amis de ma mère, comme bien des jeunes, fréquentaient surtout le Vieux-Montréal et la rue Saint-Denis. Les endroits où il était possible d’aller prendre un verre, garçons et filles ensemble augmentaient rapidement : bars, brasseries, hôtels, cafés (avec permis de boisson), etc. Certaines tavernes prenaient même la peine de faire des petits sondages sur l’inclusion ou non des femmes. Ils installaient des listes de feuilles sur les portes de leur établissement, sur lesquelles les gens, hommes et femmes, pouvaient donner leur avis sur le sujet. Les commentaires n’étaient pas toujours très polis à l’égard des femmes… Mais si l’avis était favorable, le propriétaire installait alors une grande affiche à l’extérieur de la taverne sur laquelle on pouvait lire : « Bienvenue aux Dames » .

Même si ma mère et ses amies, curieuses de pouvoir enfin voir l’intérieur de certaines
tavernes de quartier, sont allées parfois y prendre une bière, en général, elles les évitaient.

 

Bienvenue aux Dames! Dans les années 70, les tavernes ouvrent leur porte aux dames.
Bienvenue aux Dames! Dans les années 70, les tavernes ouvrent leur porte aux dames.

Si en 1979, une nouvelle loi stipule que toute nouvelle taverne devra maintenant accepter les femmes, ce n’est qu’en 1986, qu’une loi forcera toutes les tavernes, anciennes et nouvelles, à accepter les femmes. Ce qui n’a pas fait, bien sûr, l’affaire de tout le monde.

Une taverne pour les hommes!
Une taverne pour les hommes!

Vous pouvez lire la suite de ce chapitre dans le roman graphique La sobriété volontaire. Une année sans alcool (2015, 2018)

 

L’alcool fait vieillir !

15 mars 2014

La réaction de mes collègues au party de bureau m’a un peu secouée. Mais, durant la semaine, personne ne m’a reparlé de ma décision de ne pas boire. Pas devant moi, en tout cas. Devant moi, on n’a parlé que de l’incident entre Sylvie et Paul. D’ailleurs, Paul a dû partir rapidement pour un voyage d’affaires non prévu et Sylvie, sa secrétaire/assistante, est très, très, très occupée par du classement qu’elle continue de faire même pendant l’heure du dîner. À chacun ses cachettes…

Je pense que ma décision de ne pas boire commence à me peser. J’ai comme un vague à l’âme dont je n’arrive pas à me défaire. Et je commence à trouver ma vie un peu trop calme. J’ai envie de m’amuser, de rire… J’ai envie d’un souper au resto entre filles.

Avec Marie, France et Denise…

Vendredi soir, donc, je passe prendre Marie chez elle. France et Denise, elles, viennent chacune de leur côté, nous rejoindre à un restaurant grec sur Duluth. Ça me rassure un peu que Marie soit là, ce soir. Elle, elle ne boit jamais. Elle n’aime pas ça.

 

On soupe dans une restaurant grec de la rue Duluth
On soupe dans une restaurant grec de la rue Duluth

France commence par dire qu’elle avait oublié que j’avais arrêté de boire. En fait, pas vraiment oublié puisqu’elle dit d’un air surpris : « Je pensais que ça t’aurait passé… » Je ne réponds pas. Je ne sais pas quoi répondre. De toute façon, ce n’est pas une question. Juste un commentaire un peu… un peu sarcastique ?

Le serveur s’approche de la table pour déboucher la bouteille de vin blanc que Denise a apportée. Alors que Jean-Marc, lui, n’avait pas fait de cas au resto du fait que je ne buvais pas, Denise et Marie, elles, semblent un peu gênées. Elles s’excusent d’avance auprès du serveur.

 

Mieux vaut prévenir le serveur...
Mieux vaut prévenir le serveur…

Pendant que Marie va au petit coin, Denise commence à me questionner sur ma décision de ne pas boire qu’elle ne comprend pas du tout. Je lui réponds que je préfère ne pas parler de ça maintenant. Et j’ajoute que, d’ailleurs, Marie, elle ne boit jamais et personne n’en fait de cas. Ce n’est jamais un sujet de conversation.

C'est bizarre une fille qui ne boit pas du tout...
C’est bizarre une fille qui ne boit pas du tout…

Pourquoi Marie ne boit-elle pas du tout ? Marie dit toujours que c’est simplement qu’elle n’aime pas l’alcool et c’est vrai. Mais c’est vrai aussi qu’il y a eu un incident quand nous étions très jeunes, elle et moi.

C’était la fin de l’été, à la rentrée scolaire. Marie avait eu 18 ans pendant l’été. La dernière de notre groupe d’amies à atteindre la majorité. Nous avions donc toutes le droit d’entrer dans les bars légalement. Comme il faisait extrêmement beau, nous sortions tous les soirs profiter des terrasses de la rue St-Denis.

 

Boire sur les terrasses de Montréal, en été.
Boire sur les terrasses de Montréal, en été.

Nous étions fières de pouvoir boire en public, comme les autres adultes autour de nous. Nous nous trouvions belles, sophistiquées, très « cool ». Mais, Marie, elle ne buvait jamais. Elle prenait toujours un « Shirley Temple ». Et ça nous gênait un peu… Un peu, beaucoup, même. On trouvait qu’elle faisait un peu « habitante ». Et on pensait que ça ternissait probablement notre image de filles… émancipées.

Un soir, l’une de nous a eu l’idée géniale de lui suggérer d’essayer du pastis.

Pastis et bonbons à la réglisse.
Pastis et bonbons à la réglisse.

Elle a cédé. Elle a bu son verre et dit qu’elle ne ressentait rien du tout. Pas d’effet. L’une de nous a dit que c’était parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’alcool dans le pastis. Elle riait. Elle était contente. On riait aussi. On avait trouvé la boisson idéale pour Marie ! Elle en a commandé un autre. Puis, un gars dans la salle lui en a envoyé un troisième. Marie est très jolie. Une beauté sans maquillage, naturelle.

Un gars envoie un autre pastis à Marie.
Un gars envoie un autre pastis à Marie.

Elle a bu tous ces verres. Elle a continué à dire que ça ne lui faisait pas d’effet. Mais, elle riait fort et de tout. Nous n’y faisions pas attention. Nous étions tellement bien ! La soirée était belle. Une de ces belles soirées chaudes de fin d’été au Québec quand on a l’impression que toute la jeunesse est assise aux terrasses en train de prendre gaiement un verre.

Marie chambranle après trois verres de pastis.
Marie chambranle après trois verres de pastis.

Et c’est en se levant que Marie a réalisé que le pastis lui faisait probablement de l’effet. Elle est devenue blanche, presque verte. Elle a bravement marché jusqu’aux toilettes en s’appuyant discrètement sur moi. Le visage impassible. Le regard fixe. En arrivant aux toilettes, elle m’a poussée pour rentrer avant moi. J’ai verrouillé la porte…

Vous pouvez lire la suite de ce chapitre dans le roman graphique La sobriété volontaire. Une année sans alcool (2015, 2018)