Le journal de Catherine de nouveau en ligne dès samedi.
Un été bien occupé durant lequel j’ai beaucoup parlé de ce blogue, au Québec et aux États-Unis. Début juin, visite au Québec, où j’étais une des bédéistes invités au Festival de la BD de Prévost. J’y ai fait le lancement du premier volume de la bande dessinée Une année sans alcool. Le journal de Catherine. À peine de retour à Palo Alto, je suis repartie pour le congrès Graphic Medicine 2014, à Baltimore. J’y ai fait une conférence qui portait sur le blogue, son contenu et ses buts : A year Without a Drink–Catherine’s Diary.
Puis, nouveau départ en juillet pour aller assister pour la première fois au Comic-con de San Diego. Une aventure extraordinaire que je n’oublierai pas de sitôt.
Mais pendant que je voyageais et parlais avec enthousiasme de ce webcomic, Catherine, elle, n’en continuait pas moins d’écrire dans son journal, seule dans son coin. Les entrées du journal n’ont pas été publiées ici sous forme de billets, mais vous pourrez les lire dans le prochain volume du Journal de Catherine qui sortira début 2015.
En attendant, le blogue reprend dès samedi avec les réflexions de Catherine sur le poids des mots. En voici un extrait :
L’été a passé vite! Les terrasses du Québec sont superbes!
Depuis que j’ai arrêté de boire de l’alcool, je reçois régulièrement, de l’un ou l’autre de mes amis, des articles de journaux, des analyses scientifiques, des liens vers des reportages télévisés, parfois sérieux, parfois humoristiques, sur le même sujet : les bienfaits de la consommation d’alcool. Dès qu’un rapport quelconque sur le sujet surgit, hop ! on me le fait suivre. Pas de délais ! Les courriels et les médias sociaux se font aller.
Mais quand, le 12 mai dernier, l’Organisation mondiale de la santé a présenté son Rapport de situation mondiale sur l’alcool et la santé, personne, mais vraiment personne ne m’en a parlé. Personne ne m’a envoyé de liens vers des articles ou des entrevues à la radio ou à la télévision sur ce sujet. Même pas un petit commentaire de mes amis sur FB ou Twitter ! Silence quasi total. Je crois que c’est parce que le rapport est assez inquiétant, certains pourraient même dire, alarmant. Le titre de leur communiqué de presse donne le ton : L’OMS appelle les gouvernements à redoubler d’efforts pour éviter les décès et les maladies liés à l’alcool.
C’est vrai aussi que les médias se sont faits, en général, assez discrets sur le sujet. Et leur réaction était plutôt uniforme : une surprise un peu incrédule suivie souvent d’un désir de rassurer. Puis, ils sont vite passés à autre chose. Le rapport est sorti, il y a moins de deux semaines et déjà, on n’en parle presque plus. « Les méfaits de l’alcool », ce n’est pas un sujet particulièrement gai pour une population qui aime bien boire, comme c’est le cas au Québec.
Une seule personne dans mon entourage n’a pas hésité à m’en parler : mon amie Marie qui ne boit pas du tout depuis presque toujours. Elle m’a téléphoné un matin pour me conseiller d’écouter une entrevue radiophonique sur le sujet. Comme elle a bien fait ! Comme je la remercie ! J’ai trouvé l’entrevue non seulement intéressante, mais aussi bien amusante. L’animatrice avait invité à son émission d’information un médecin pour commenter le rapport de l’OMS.
Dès le début de l’entrevue, on voit bien que l’animatrice est non seulement surprise, mais aussi atterrée par le contenu du rapport.
Dès le début de l’entrevue, on voit bien que l’animatrice est non seulement surprise, mais aussi atterrée par le contenu du rapport.
Le rapport de l’OSM sur l’alcool. On n’en revient pas!
Ah ! Le médecin est lui aussi surpris ! Et c’est un mé-de-cin ! L’animatrice ne perd pas une seconde. Il y a peut-être une faiblesse dans les données du rapport…
Rapport de l’OMS sur l’alcool. Premiers doutes.
Ah, oui, c’est vrai. Ce rapport est quand même produit par une agence des Nations unies… Mais il y a sûrement une explication à ces chiffres affreux. Ils ne peuvent pas s’appliquer à notre comportement à nous ? Il faut aussi rassurer les auditeurs. L’animatrice tend une première perche à son invité.
Rapport de l’OMS sur l’alcool. Rassurez-moi, docteur. Prise un
Merde ! Une perche de perdue ! Le docteur n’a pas répondu comme elle l’aurait souhaité. Mais elle n’a pas dit son dernier mot. Elle a d’autres perches…
Rapport de lOMS sur l’alcool. Rassurez-moi, docteur! Prise 2
L’animatrice commence à penser que ce médecin ne comprend pas vite. Il n’a pas l’air de vouloir l’aider. Mais elle a un atout dans son jeu… Un atout imbattable, une donnée scientifique que tout le monde connaît
Rapport de l’OMS sur l’alcool. Rassurez-moi, docteur! Prise trois.
Et voilà ! Ce n’était pas si difficile, docteur ! C’est ce qu’elle voulait lui entendre confirmer : l’alcool est bon pour la santé !
Rapport de l’OMS sur l’alcool. On se rassure.
Hum… Ce n’est pas bon du tout, ça ! 200 maladies ! Mais le brave docteur a aussi parlé de cette maladie-épouvantail, celle qu’on agite devant les buveurs d’alcool ! Celle dont la cause est bien connue…
Rapport de l’OMS sur l’alcool. C’est l’abus!
Et voilà, le mot qu’il fallait dire. Nous, au Québec, la modération, on connaît ça ! On l’a même institutionnalisée !
Rapport de l’OMS sur l’alcool. La modération.
Grand soupir de soulagement. Au Québec, Éduc’alcool avec son thème de modération nous sert de bouclier. Finalement, son public et elle-même rassurés, l’entrevue terminée, l’animatrice peut enfin passer au sujet suivant de son émission. Un sujet beaucoup plus léger et intéressant : « Avec le mois de juin qui arrive, quelle sera votre boisson préférée de l’été ? Le vin blanc ou le rosé ? »
Peu de temps après cette entrevue à la radio, j’ai lu un court article sur La Presse +, édition du 21 mai, intitulé Le monde boit. L’article se termine par un commentaire de M. Hubert Sacy, directeur gnénéral d’Éduc’alcool : Le Canada et le Québec consomment plus que la moyenne mondiale, mais leur relation avec l’alcool est plus équilibrée qu’ailleurs, dit M. Sacy. Au Québec, poursuit-il, les trois quarts des buveurs consomment de façon « parfaitement responsable ».
Bon, l’article n’explique pas ce que M. Sacy entend par une relation équilibrée avec l’alcool, ni ce qu’est une consommation responsable. Mais, selon lui, au Québec, dans ce domaine, tout va plutôt bien, alors ? La modération nous protège donc des problèmes liés à la consommation d’alcool?
Je dois dire que d’une façon générale,les données ne sont pas du tout rassurantes :
Les groupes à faible revenue sont les plus touchés
Les beuveries excessives (binge-drinking) sont très populaires. 16 % des buveurs dans le monde et plus de 23 % au Canada s’y adonnent.
Les consommateurs d’alcool dans le monde ingurgitent en moyenne 17 litres d’alcool pur par année.
Et les données touchant les femmes sont encore plus inquiétantes :
Même si les décès reliés à la consommation d’alcool touchent plus les hommes (7,6 %) que les femmes (4 %), celles-ci « pourraient être plus vulnérables face à certains problèmes de santé liés à l’alcool. »
Et les auteurs du rapport s’inquiètent du fait que la consommation d’alcool est en augmentation constante chez les femmes.
J’y retrouve d’abord les mêmes recommandations que celles de chez Educ’alcool :
pas plus de 21 verres par semaine pour l’usage régulier chez l’homme (3 verres par jour en moyenne)
pas plus de 14 verres par semaine pour l’usage régulier chez la femme (2 verres pasr en moyenne)
jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel
s’abstenir au moins un jour par semaine.
Mais, tout en bas de la page, il y a un petit tableau. En le lisant, j’ai un coup au coeur. C’est une mise en garde sérieuse pour ceux qui se reposent sur la tranquillité d’esprit apportée par les chiffres précédents :
Pas de consommation sans risques ! Même une consommation modérée (max. 3 verres par jour chez l’homme et 2 chez la femme) est associée à un accroissement du risque de cancers des voies aérodigestives supérieures, cancer du foie, cancers du sein et du côlon-rectum.
Toure consommation régulière peut, chez les personnes présentant une vulnérabilité, conduire à une assuétude. Toute consommation d’alcool a une influence sur le comportement et les réactions et peut conduire à des accidents et actes préjudiciables.
Bon ! J’ai appris un mot nouveau, assuétude, synonyme de dépendance. Mais j’ai aussi appris qu’il y a de nombreux risques associés à la consommation d’alcool. Et ce, même sans en abuser. Et ça, ça ne me plaît pas du tout…
Car moi, c’est juste pour un an que je veux arrêter l’alcool…
Note de l’auteure; : N’oubliez pas de consulter la page des liens pour voir toutes les références reliées à cet article.
Demain, nous nous retrouvons en famille pour la fête des Mères. Nous avons choisi de souligner cet évènement en nous retrouvant pour le brunch dans un restaurant très chic de Montréal. Quatre générations de femmes regroupées autour d’une même table : ma grand-mère, ma mère, ses filles et les filles de ma sœur aînée. En général, j’aime bien les réunions familiales. Mais depuis que j’ai cessé de boire, je les redoute un peu. Surtout que semble-t-il, peu importe l’âge de leurs enfants, les mères ont toujours le droit de les critiquer un peu… Et les mêmes critiques peuvent servir d’une génération à l’autre…
Le 1er mai, alors que certains célébraient la fête des Travailleurs, moi je fêtais mon quatrième mois de sobriété volontaire. Quatre mois sans une goutte d’alcool !
Quand j’ai décidé de prendre comme résolution du Nouvel An de ne pas boire d’alcool pendant un an, j’espérais que cela apporterait quelques changements dans ma vie. Au bout de quatre mois d’abstinence, je ne remarque pas de grandes transformations, sauf une, en fait, à laquelle je ne m’attendais pas du tout : je suis devenue alcoolique !
J’avais remarqué depuis quelque temps que les gens autour de moi voulaient toujours me questionner à ce sujet-là. En général, on évitait d’utiliser le terme « alcoolique ». On parlait plutôt de « problèmes d’alcool ». On le fait toujours d’ailleurs. Mais récemment, je vois que même mes amies font montre d’une certaine gêne quand je refuse un verre d’alcool. Il y a deux jours, d’ailleurs, alors que je me confiais à une amie à ce sujet, elle a rougi jusqu’aux oreilles. Et elle m’a dit : « Mais c’est vrai, Catherine, qu’on peut commencer à se poser des questions. Ça fait tellement longtemps maintenant que tu continues à ne pas boire ! »
Je ne savais pas quoi lui répondre sans m’énerver. Je me suis contentée de la regarder avec de grands yeux surpris, mais dans ma tête, les mots se bousculaient : « Mais c’est une résolution du Nou-vel-An ! Ça va durer encore longtemps. Ça va durer un an ! Douze mois ! 52 semaines ! 365 jours ! Le mois prochain, je ne boirai toujours pas ! »
Elle n’est pas la seule à penser ainsi, malheureusement. Plus je suis longtemps sans boire, plus on me soupçonne d’être alcoolique. Sinon, j’aurais recommencé à boire, n’est-ce pas ? Une drôle de logique : si je me remettais à boire maintenant, donc, en fait, si j’étais incapable de tenir ma résolution pendant un an, ce serait la preuve que je ne suis pas alcoolique ???
Pour l’instant, je mets ce problème de côté. Il est bientôt 16 h et j’ai un petit creux. Il y a sur l’armoire de la cuisine, des restants d’une petite gâterie que je me suis permise pour fêter mes quatre mois de sobriété. J’ai quand même d’autres petites dépendances agréables dont je n’ai pas l’intention de me défaire tout de suite…